"Oh, c'est l'heure du thé !" [Pv. Yori]

Confortablement installée dans son fauteuil de velours vert, une jambe croisée sur l'autre sous l'épaisse étoffe de sa robe, la reine semblait légèrement absente. Son regard d'océan était fixé sur les petites flammes qui dansaient dans l'immense foyer de marbre, leur lueur orangée se reflétant dans ceux-ci. Pourtant, elle n'était pas vraiment là; elle était plutôt perdue dans ses pensées. Des pensées sombres, légèrement sadiques, qui avaient pour thème la guerre qu'elle voyait venir à grands pas. Elle pouvait presque s'imaginer le paysage dévasté... ou encore, elle pouvait très bien le voir. Elle n'avait qu'à s'imaginer la ville de Clover... Les bâtiments en ruines, les gens qui fuient... La souveraine secoua la tête. Inutile de penser à de telles choses maintenant. Il restait encore quelques chances de reprendre la ville, mais elles étaient minces. C'était tout de même une possibilité.

En soupirant, Miku décroisa ses jambes et se leva, dépoussiérant ses vêtements pourtant impeccables d'un geste plus ou moins las. Depuis que les nouvelles de la destruction de la cité de Clover avaient atteint ses oreilles, elle se sentait plus dépressive qu'à l'habitude. Elle avait été y constater les dégâts par elle-même lorsque les choses s'étaient calmées, et la vue horrible que lui offrait maintenant l'endroit n'était digne d'aucun mot, car aucun ne saurait décrire combien le paysage était... détruit. La jeune royale prit quelques pas et se dirigea vers la fenêtre la plus près d'elle. En plus de la destruction de Clover, il y avait la brèche. Celle qui reliait les mondes parallèles à Wonderland. Elle s'était rouverte, la jeune reine en était certaine. Ce jeune homme qu'elle avait rencontré dans la plaine en était la preuve.

Miku s'assied sur le bord de la vitre, observant l'extérieur d'un air absent. Elle n'arrivait pas à comprendre. Pourquoi la brèche s'était-elle rouverte ? Pourquoi maintenant ? Les Alices ne pouvaient pas simplement apparaître ici en ces temps si hostiles. Peut-être si elles étaient apparues quelques mois plus tôt, les temps auraient étés meilleurs. Ce n'est plus vraiment le cas, en ce moment. Cependant... il devait y avoir une raison pourquoi ces gens apparaissaient MAINTENANT qu'en d'autres circonstances, non... ? La jeune fille aux cheveux bleus soupira de nouveau, puis se releva au même moment où la porte du salon richement décoré s'ouvrit. La reine demeura confuse un instant, puis gloussa. Elle avait oublié quelle heure il était.

"Oh, c'est l'heure du thé !"

Yori venait de finir de brosser ses longs cheveux. Elle était dans sa chambre, habillée d'une superbe robe blanche dont la jupe traînait sur le sol impeccable de sa chambre. Fidèle à son habitude, la conseillère avait choisis sa tenue en fonction des tonnes de froufrous et de la dentelle savamment décorée et agrémentée par des perles. Et maintenant, elle en avait terminé avec ses cheveux. Malgré leur brossage soigné, la chevelure immaculée de la demoiselle ne semblait pas vouloir devenir plus brillante, ou encore tout simplement plus douce. Non, ses cheveux restaient tout aussi légers, tout aussi glacés.

Maintenant qu'elle avait fini ses préparations, Yori se leva de son lit sur lequel elle était assise et se dirigea vers sa coiffeuse pour y ranger sa brosse. Mais à mi-chemin, elle se stoppa, se figea complètement. Les yeux écarquillés, elle fixa le vide devant elle, comme si quelque chose s'y tenait. Quelque chose de bien effrayant. Elle tremblait comme une feuille... Et sa brosse rejoignit le sol, tout comme ses genoux. Et avec force, sa main crispée.

Non, pas maintenant...


Yori se tenait face à la grande porte qui menait au petit salon de thé de la reine. Elle avait reprit son sourire et était en pleine forme. Lentement, elle posa sa main sur la poignée parfaitement sculptée, la tourna et ouvrit doucement la porte en bois. Aucun grincement. Cette porte aussi était en excellent état. La douce voix de la reine parvint à ses oreilles alors que la jeune fille pénétrait dans la pièce, tout en refermant la porte. Lorsqu'elle croisa son regard, elle lui fit le plus beau des sourires, suivi d'une courte révérence.

- Oui, c'est bien cela ! Alors, comment te portes-tu aujourd'hui ?

Tout en parlant, la conseillère blanche se dirigea vers la petite table où se trouvait la théière, ainsi que deux tasses en porcelaine richement décorées. Tout était de luxe, dans un château si important. Yori tira une chaise pour la reine, avant de prendre place à celle d'en face. La table étant petite, les conversations se faisaient sans problème.

- J'ose espérer que tu n'es pas trop préoccupée par tout ce qu'il se passe... ?

Un charmant sourire se dessina sur les lèvres de Miku lorsque celle-ci vit Yori faire son entrée dans le salon. Leurs regards se croisèrent un instant, et la conseillère fit une révérence, qui arracha un petit rire amusé. La question que lui posa la jeune femme aux cheveux blancs la fit soupirer légèrement, et l'expression heureuse de la reine se démolit. Elle se massa la tempe du bout des doigts avant de répondre, d'une voix un peu rauque;

"Oh, je ne pourais pas dire que je vais bien, mais en même temps, je ne vais pas mal."

Elle émit un petit rire doux, un son qui, en temps normal, aurait probablement lancé n'importe qui d'autre sur une mauvaise piste. La jeune souveraine s'avança doucement vers la blanche, qui lui tira une chaise, et elle s'y installa confortablement, prenant la jolie théière dans ses mains en versant d'un geste gracieux le thé dans chacune des tasses. Elle vit Yori s'asseoir dans la chaise devant elle, de l'autre côté de la petite table. Celle-ci lui posa une nouvelle question, ce à quoi Miku répondit d'un ton légèrement dépressif;

"On ne peut rien te cacher, n'est-ce pas, Yori ?"

La jeune femme aux cheveux bleus poussa un soupir, prenant sa petite tasse d'une main en l'approchant de ses lèvres pour en siroter doucement son contenu. Elle était, en réalité, très préoccupée par la situation de son royaume, des gens surtout. Elle était inquiète pour tout le monde, et avec cette menace de guerre qui pesait sur tous les royaumes, ça n'avait rien de rassurant. Elle était préoccupée par tout, même les petites choses insignifiantes. Elle se sentait comme si le poids du royaume, du monde même, reposait sur ses fragiles épaules.

"Je ne sais pas quoi te dire, en fait. Je suis préoccupée de tout; la guerre, le retour des Alices... Je ne comprends pas pourquoi la brèche s'est rouverte, surtout maintenant..."

Miku posa doucement sa tasse au creu de sa main, prenant une grande inspiration pour se calmer. Elle ne comprenait vraiment plus rien à ce qui se passait. Pourtant, elle se recomposa un sourire, l'adressant à Yori en posant son regard digne du grand océan sur elle.

"Mais bon! Et toi, Yori, comment te portes-tu, de ton côté ?"

La reine s'inquiétait à propos de la guerre... Yori s'en doutait depuis le début. Combien de fois l'avait-elle vue lorsqu'elle se croyait seule un moment, en train de fixer le vide et de réfléchir avec un air inquiet peinturé noir sur blanc sur son visage ! Et puis, de toute façon... C'était évident. : les petits détails ne mentent jamais. Ses sourires pouvaient bien tromper les autres, mais ses yeux ne trompaient pas Yori. Et puis, avec toutes ces années passées avec elle, la miss avait fini par apprendre à la connaître par coeur ! Enfin bref... Là n'était pas le sujet de conversation. Comme d'habitude, elles allaient sûrement parler de toutes sortes de choses, anodines ou non. Et comme à chaque début de discussion qui se respecte, les politesses sont toujours présentes. Yori répondit donc à la question de la reine avec son inséparable sourire :

- Je vais très bien, comme d'habitude. Merci de t'en inquiéter !

La conseillère prit sa propre tasse de thé et fit tourner le breuvage chaud (bien trop chaud pour elle) à l'intérieur, comme pour mieux mélanger l'eau et le thé. Après quelques secondes à fixer le liquide, elle approcha la tasse de ses lèvres, puis se stoppa : le lait ! Yori déposa sa tasse sur sa petite assiette et versa ensuite du lait dedans, avant de brasser doucement le tout à l'aide d'une petite cuiller. À chaque fois, c'était la même routine : elle oubliait le lait et à chaque fois qu'on croit qu'elle va prendre une gorgée, elle repose sa tasse. Au final, elle ne boit jamais... Disons donc que l'odeur la comble bien assez.

Yori déposa sa cuiller sur la petite assiette qui servait de "sous-tasse", afin de ne pas brûler / salir la table en bois-qui-valait-une-fortune ! La blanche posa ensuite ses mains sur ses cuisses et s'installa plus confortablement sur sa chaise. Le silence avait duré un peu trop longtemps, il était temps de dire quelque chose.

- Alors, peux-tu m'expliquer plus en détails ce qui te tracasse à ce point ? T'inquiètes-tu pour les habitants, ou crains-tu simplement qu'ils... N'envahissent le royaume ?

Il y eut un court moment de silence, très lourd.

- Ou quelque chose dans ce genre ?

Le simple fait que Yori lui indiqua bien se porter la rassura. C'était une chose de moins sur sa conscience un peu trop chargée. Un petit sourire sincèrement rassuré se dessina sur le visage de la reine, qui porta une fois de plus sa tasse à ses lèvres en prenant une gorgée du breuvage chaud.

"Tu m'en vois sincèrement rassurée. On dirait qu'avec tout ce qui m'inquiète, j'ai l'impression que rien ne va pour les gens..."

Miku sirota à nouveau son thé, sa chaleur bienfaisante la calmant davantage. Le silence qui régnait dans le grand salon l'aidait à oublier, l'espace de quelques secondes, tout ce qui se trouvait autour d'elle. Elle pouvait sentir la chaleur du liquide se répendre en elle, agissant comme une vague de douceur qui engourdissait ses inquiétudes. Cependant, cette sensation de bien-être disparut bientôt, et la souveraine fut tirée vers la réalité une fois de plus. Elle avait entendu la question de Yori, mais n'y répondit pas de suite. Comme si elle était dans une sorte de transe, elle ferma les yeux quelques secondes avant de les rouvrir et les fixer sur la blanche, qui semblait attendre une réponse de sa part.

"Oh... Tu sais, c'est simple... Je m'inquiète pour tout !"

C'est à ce moment que la jeune femme aux cheveux turquoises se lança dans un grand monologue.

"Avec ces vagues d'attaques sur nos villes, les habitants du pays risquent de souffrir beaucoup; nous risquons aussi de perdre beaucoup d'entre eux. Après, il y a nos soldats; s'il y a vraiment une guerre qui se prépare, je ne crois pas que nous serons en mesure de nous défendre convenablement contre l'ennemi. Notre armée s'affaiblit à force de devoir contrer ces attaques et je doute que les habitants de Trèfle aient le courage de se mesurer contre nos ennemis..."

Ainsi continua le magnifique monologue de Miku, dans lequel elle continuait de se plaindre de tout ce qui l'inquiétait. En gros, ses paroles tournaient autour des mêmes choses; soit la guerre, la population, les attaques ennemies et tout cela. Pendant qu'elle parlait, la reine avait déposé sa tasse et s'était levée, faisant maintenant les cent pas dans la pièce. Elle faisait de grands gestes avec ses bras pour mettre de l'emphase sur certaines choses, et sa voix s'était élevée à une tonalité légèrement plus haute que la normale, comme à chaque fois qu'elle exprimait ce qui la rendait nerveuse. Puis, d'un coup, la jeune femme s'arrêta net, faisant dos à Yori, seulement pour se retourner quelques secondes après, son regard fixé au sol.

"Et puis, il y a les Alices... je m'inquiète beaucoup pour eux, ils arrivent ici en se posant des centaines de questions, confus et désorientés, sans savoir que l'unique raison de leur présence ici est qu'ils sont morts..."

Miku soupira avant de lever les yeux vers sa conseillère, son regard rempli d'une inquiétude incomparable.

"Je ne comprends plus rien à tout ceci, honnêtement..."

Yori écouta attentivement son amie parler à propos de ses inquiétudes, se confier sur ce qui la tracassait. Le sujet des Alices la porta à opiner sur ce que la reine disait. En effet, Trèfle traversait une période plus sombre et problématique que tout ce qui avait été connu auparavant. Il était évident qu'il fallait faire quelque chose, mais se précipiter sous prétexte que les autres étaient en danger était la pire idée qu'il était possible d'imaginer en ce moment.

La jeune fille se leva après avoir déposé sa tasse encore très chaude sur la table. Elle s'approcha de Miku avec une expression rassurante sur le visage, puis elle prit son amie très doucement par les épaules, plongeant son regard glacé dans les prunelles turquoises de sa majesté. Avec son joli sourire, elle lui répondit d'une voix douce :

-Je sais ce que tu ressens et je comprend le fait que tu sois inquiète. Mais... Il faut que tu cesses de réfléchir de la mauvaise façon.

Elle marqua une pause durant laquelle son regard se fit plus... Compatissant. Beaucoup plus doux, aussi.

- Tu dois prendre le temps de démêler tout ceci pour ne plus te poser de questions. Et surtout, tu ne dois pas influencer ton jugement par tes sentiments personnels. Tu t'inquiètes et c'est normal. Mais tu oublies que les soldats de Trèfles sont entraînés pour ce genre de situation et que nous pouvons leur faire confiance.

Yori resserra sa poigne sur les épaules de Miku avant de la serrer dans ses bras. D'accord, son étreinte n'était absolument pas confortable étant donné que tout chez elle était glacial, mais la conseillère savait ce qui pouvait faire du bien à son amie ; Les caresses, aussi douloureuses soient-elles, pouvaient toujours apporter du réconfort à une personne tourmentée. L'intention compte vraiment dans ce genre de moment, qui se faisait malheureusement trop rare chez les deux amies. C'est pourquoi le câlin dura longtemps. Yori murmura ensuite dans l'oreille de Miku son conseil de conseillère :

- Aie confiance et la chance te sourira. Si tu n'a pas confiance en nos soldats, alors comment pourraient-ils avoir confiance en eux ?

Elle s'éloigna ensuite de deux pas de son amie avant que celle-ci ne se mette à avoir trop froid. Puis, elle fit volte-face, faisant virevolter sa chevelure immaculée dans son mouvement, alors qu'elle retournait s'asseoir sur son siège. La demoiselle prit sa tasse de thé et la porta à ses lèvres, avant de stopper son geste et de la déposer lentement à son endroit initial.

- Et ne t'inquiète donc pas pour les Alices. Il est mieux d'atterrir ici que d'atterrir à Carreau, par exemple. S'ils sont désorientés, ils finiront par s'habituer : la nature est ainsi faite...

Son sourire se fit plus éclatant. Elle espérait avoir rassuré son amie de par ces paroles...

Miku observa Yori quelques instants, ne pouvant pas s'empêcher de poser ses mains sur celles de sa conseillère lorsqu'elle les posa sur ses épaules. Son toucher avait beau être d'un froid digne de celui des plus hauts pics du paysage montagneux et hivernal de Carreau, cependant, la jeune femme aux cheveux turquoises n'en sembla pas affectée. Ou bien elle était très bonne menteuse et arrivait à cacher que le simple toucher de la blanche était glacial, ou encore elle ne ressentait pas le froid de celui-ci. En fait, c'était un peu un mélange des deux. Son regard était plongé dans celui de son amie, qui lui offrit un sourire avant de lui répondre.

C'est vrai. Elle devait s'arrêter un instant, réfléchir à tout ça. Démêler les détails pour comprendre et arrêter de se questionner. Ne pas se laisser influencer par ses sentiments. Ne plus douter. Tout ça semblait bien facile, dit comme ça, mais comme le dit le dicton, «c'est plus facile à dire qu'à faire» en fait. Et Miku le savait plus que la grande majorité des gens. Elle aurait de gros efforts à faire, garanti.

Les réflexions de la jeune souveraine furent interrompues lorsqu'elle sentit la poigne de Yori se serrer sur ses épaules, puis que cette dernière l'attira contre elle en la serrant dans ses bras. Cette action prit légèrement Miku par surprise mais, une fois remise du choc initial, elle passa ses bras autour de Yori en la serrant bien fort. Des moments comme celui-ci étaient de plus en plus rares entre les deux amies, et malgré le froid qui émanait du corps de sa conseillère, la reine aurait bien aimé que le câlin dure plus longtemps. Elle se sentait rassurée, en cet instant où elle était pourtant troublée. À croire que Yori savait comment la calmer en toutes circonstances...

Puis, la blanche la relâcha et retourna s'asseoir dans son propre fauteuil. Elle lui indiqua de ne pas s'inquiéter pour les Alices, qu'ils finiront bien par s'habituer. Elle le disait si facilement, si seulement c'était aussi simple à croire... Un petit sourire se dessina sur le visage de Miku, qui demeura debout encore quelques minutes avant de retourner s'asseoir à son tour.

"Je suppose que tu as raison... je devrais arrêter de m'inquiéter autant !" fit-elle, gloussant nerveusement par la suite. "Comme tu dis, je vais tenter de démêler tout ça... Ça pourrait m'aider à me calmer."

Miku lui adressa ensuite un léger sourire, puis reprit sa tasse de thé avant d'en prendre une longue gorgée. Le liquide chaud lui rendit un semblant de chaleur, qui fit tout de suite effet en effaçant le froid qui avait commencé à engourdir ses muscles. Elle poussa un petit soupir de contentement, puis fixa Yori de nouveau.

"Que dirais-tu de m'accompagner à la roseraie ? J'aimerais aller vérifier l'état de mes fleurs, aujourd'hui... Et puis, voilà un moment depuis que j'ai mis les pieds pour la dernière fois."

La jeune noble posa sa tasse avec délicatesse sur sa soucoupe, puis se releva, un joli sourire aux lèvres. À croire que ce qui s'était passé voilà à peine quelques minutes ne s'était jamais produit...

Yori ne quitta pas son amie des yeux une seule seconde. À sa proposition, un petit rire s'échappa de ses lèvres et la conseillère déposa également sa tasse encore pleine sur sa soucoupe assortie. Eh oui, fidèle à son habitude... Elle n'avait rien bu. C'était normal, d'un côté : froid et chaleur ne font pas bon ménage. Yori préférait de loin les breuvages très froid à ceux réconfortants comme le thé. N'empêche, elle continuait de prendre celui-ci avec Miku parce qu'elle aimait passer du temps avec elle. Entre ses responsabilités de conseillère et celles de garde du corps, il ne lui restait pas nécessairement beaucoup de temps pour passer du temps avec Miku en tant qu'amie et seulement amie.

C'est pourquoi la proposition de la reine de Trèfle lui colla un beau et grand sourire sur le visage.

- Bien sûr que je veux !

Et sur ces paroles, la demoiselle se leva rapidement. L'enthousiasme se lisait clairement sur son visage : il était rare qu'elle puisse aller à la roseraie en même temps que sa meilleure amie. Et puis, elle aimait vraiment beaucoup les fleurs... Vraiment, aller à cet endroit avec Miku lui faisait vraiment plaisir ! Était-ce une certaine façon pour Miku de la... remercier ou quelque chose du genre ? Ou encore, était-ce simplement parce qu'elle aimait elle aussi passer du temps avec elle ? Oh, cette idée la flattait. Yori posa sa main sur sa joue en penchant la tête légèrement, l'air de dire "allons, allons...", puis elle se dirigea en à peine deux pas tout près de la porte.

- Dépêchons ! J'ai très hâte d'y être !

Hâte ?

Oh oui, très, très, très hâte !

La jeune souveraine ne put s'empêcher de rigoler un peu devant l'enthousiasme de Yori. Elle aimait bien cette facette de la blanche; toujours prête à l'accompagner, peu importe ce qu'elle devait faire. C'était un peu son boulot, après tout, en tant que conseillère et garde du corps, mais aux yeux de Miku, la jeune femme était beaucoup plus qu'une simple collègue de travail, elle était son amie et elle aimait passer de son temps avec elle. Un grand sourire se dessina sur les lèvres de la jeune noble et, en deux temps trois mouvements, elle se retrouva tout près de Yori, ouvrant la porte devant laquelle elle s'était arrêtée.

"Je suis heureuse que l'idée te plaise, Yori !"

La jeune femme aux cheveux turquoises passa la première, puis laissa sa conseillère quitter la pièce avant de refermer la porte derrière elles. Elle était peut-être la reine de Trèfle, mais c'était bien de pouvoir rendre service aux autres ainsi de temps à autres ! Et ça lui faisait du bien, puisque faire des gestes aussi simples que de tenir la porte pour quelqu'un ou encore simplement aider à diverses tâches à travers le château lui permettait de se sentir comme une personne normale. Elle ne voulait pas que les gens la voient comme une reine qui ne fait rien, elle préférait de loin être vue comme une personne aidante et sympathique qu'une femme qui ne faisait que profiter de ses richesses.

Bref, Miku marcha silencieusement dans les couloirs du vaste palais, se dirigeant directement vers la roseraie, l'endroit où elle avait proposé d'emmener Yori. C'est vrai qu'il était rare que les deux amies ne soient en cet endroit en même temps, surtout si c'est durant leurs temps libres. En général, la reine était beaucoup trop occupée pour venir passer un peu de temps ici, alors les jardiniers s'occupaient de ses rosiers en son absence. Cependant, dès qu'elle avait un moment à elle, la jeune femme venait directement ici, enfilait une paire de gants et s'affairait à s'occuper de ses belles fleurs de toutes les couleurs imaginables. C'était l'un de ses passe-temps favoris.

"Enfin, nous y sommes !" fit-elle d'une voix enjouée dès qu'elles mirent les pieds dans les jardins.

Dès qu'elle entra dans cette pièce, l'expression de Yori se fit extrêmement sereine. Elle aimait les fleurs, mais vraiment, sincèrement. Tout comme les animaux et la nature en général. Le simple fait de voir le plus petit des insectes mourir pouvait bien lui briser le coeur... Mais elle comprenait aussi les besoins des autres de manger, c'est pourquoi elle respectait aussi les carnivores. La conseillère avait presque un don avec les animaux : elle s'entendait très bien avec eux et n'avait pas de difficulté à les apprivoiser. Avec les fleurs, c'était l'amour fou ! C'est pourquoi la belle se dirigea vers les premières fleurs de la première rangée et se mit à toutes les observer, à doucement les caresser. Il fallait leur parler aussi, c'était des êtres vivants et donc, à chaque fois qu'elle venait ici, Yori murmurait de belles paroles à toutes les fleurs.

Si elle pouvait, elle parlerait à chaque fleur ici présente, une à une.

Mais elle avait des responsabilités...

N'empêche que lorsque Yori venait voir les fleurs, c'était pour elle la meilleure des cures. Pour une fois, elle se sentait... Calme. Pour de vrai. Ces moments la faisait se sentir un peu comme à son arrivée ici. Tellement... Calme...

Mais ça ne durait jamais longtemps.

Quoi ? Des responsabilités ?

Ah, oui.

Yori mit du temps à le faire, mais elle finit par réussir à s'éloigner des fleurs dont elle était en train de s'occuper. Celles-ci avaient presque l'air plus calmes et heureuses, elles aussi. Un peu à contre-coeur, la conseillère retourna à côté de Miku, mais le simple fait d'être entourée de ce qui lui plaisait sincèrement le plus la faisait très vite reprendre son extrême bonne humeur. D'une voix qui n'avait jamais été aussi douce, Yori brisa le silence harmonieux qui s'était installé entre les deux amies.

- Les fleurs sont merveilleuses. J'aimerais tellement pouvoir venir ici plus souvent...